La « thrombine », ça vous dit quelque chose ? Comme moi, vous n’aviez sans doute jamais entendu parler de cet additif et, comme moi, vous voulez savoir comment le secret du surimi est appliqué à la viande. Voilà la recette : un peu de plasma sanguin, un peu d’extrait musculaire, et hop ! Hum, les jolis bâtonnets de restes de viande !
Viande reconstituée = Mal bouffe
Seuls les spécialistes s’intéressaient au sujet jusqu’à ce que les parlementaires européens, écolos en tête, entrent en guerre contre cette « colle » permettant d’agglomérer des morceaux de viande pour reconstituer de jolis « produits carnés ».
La Commission voulait harmoniser les législations nationales, puisque la thrombine est déjà autorisée en Allemagne, en Belgique et aux Pays-Bas, mais les députés européens ont opposé leur véto.
Pourquoi ne pas faire du « surimi de viande » ? C’est ce qu’a demandé le social-démocrate allemand Jo Leinen :
« Un steak est un steak, un jambon est un jambon. »
Joint par téléphone entre deux avions, le pourfendeur de la malbouffe, le député Europe Ecologie José Bové, souligne que l’intérêt de cette colle est de « valoriser des déchets de viande » et « sans doute de dégager des marges intéressantes. On peut même faire du poulet carré !
Normalement, depuis la crise de la vache folle, on ne considère plus l’utilisation de produits sanguins animaux comme anodine. Or la thrombine est un enzyme qui accélère la coagulation du sang et qui, mélangée avec de la thromboplastine issue des muscles des animaux, donne une sorte de colle alimentaire.
Déjà autorisée en France
Pourtant, la thrombine a été autorisée en France par un arrêté provisoire entre 2003 et 2005, ceci à la suite de deux avis positifs de l’Afssa, l’Agence de sécurité sanitaire des aliments. L’arrêté indiquait que
« La présence de cet additif dans une denrée alimentaire est indiquée dans la liste des ingrédients par la mention “stabilisant : préparation enzymatique d’origine bovine/(porcine)”. Le consommateur doit être informé que la denrée alimentaire obtenue est reconstituée. »
Depuis qu’elle n’est plus autorisée, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) dit ne pas avoir constaté de manquements, mais fait remarquer qu’« il y a d’autres procédés pour coller les viandes ».
Pas de problème pour la sécurité ?
Outre l’aspect peu ragoûtant de la chose, qu’en est-il de ses effets sur la santé ? Saisie par la commission en 2005, l’Agence sanitaire européenne (Efsa) avait rendu un avis scientifique estimant que
« L’utilisation de la préparation enzymatique basée sur la thrombine [...] ne pose pas de problème du point de vue de la sécurité. »
C’est ce même avis qui devait déboucher sur la directive autorisant la thrombine.
Mais les députés craignent que le procédé, qui consiste à relier des morceaux de viande, puisse augmenter la superficie pouvant être affectée par une bactérie pathogène, comme la salmonelle.
Et, certains du risque de retrouver cette viande agglomérée et bon marché en quantité importante dans les restaurants, ils sont partis en guerre contre elle.
La fronde du législatif contre l’exécutif européen est sans précédent ces dernières années. Même si l’affaire n’est pas totalement gagnée, comme l’explique José Bové
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