CONSOMMATION — Entre le fromage synthétique et les îles flottantes sans œufs, l’industrie agroalimentaire nous fait avaler n’importe quoi. Un livre enquête sur ce phénomène. A en perdre l’appétit.
Le scandale des lasagnes à la viande de cheval a jeté une lumière crue sur le phénomène de la malbouffe. Mais cet événement est une goutte d’eau dans la mer. Et ce serait presque une gentille rigolade par rapport aux futurs scandales qui risquent d’ébranler le domaine de l’agroalimentaire. Dans un ouvrage qui sort mercredi, «Vive la malbouffe, à bas le bio», Christophe Labbé et Olivia Recasens, journalistes au Point, Jean-Luc Porquet et Wozniak, journaliste et dessinateur au Canard enchaîné, nous dressent le musée des horreurs de la bouffe.
Le bio
«C’est une bonne démarche,affirme Christophe Labbé. Une alternative à l’agriculture productiviste.» Mais, car il y a un gros mais, le bio n’est pas toujours blanc comme neige. «Il est présenté comme la solution à tout, relève le journaliste. Et ne peut être critiqué. Le consommateur est prié de croire et d’avaler le bio avec le sourire. Mais, dans ce domaine aussi, il y a des aigrefins qui tentent de tirer profit.» Exemple cité dans le livre, ces magouilleurs qui ont acheté des céréales et des fruits secs en Roumanie avant d’inonder le marché européen avec ces produits faussement labellisés bio. Sans oublier les traces de pesticides parfois retrouvées dans des fruits et légumes certifiés bio. Les auteurs soulignent toutefois que ces quantités sont toujours nettement inférieures à celles qui se retrouvent dans les produits classiques. La plus grande inquiétude qui pèse sur la filière reste l’attrait qu’elle exerce sur les grands groupes. On a même vu naître un concept plutôt particulier: le bio industriel. Exemple avec la province espagnole de Huelva, l’usine à fraises de l’Europe, où certains font de la fraise bio avec des méthodes pas très éloignées de celles, contestées et contestables, de leurs concurrents produisant de manière classique.
L’abattage
Des canards shootés au gaz hilarant, des animaux malades bourrés de médics pour recevoir l’autorisation de passer à la moulinette ou encore des carcasses de bœuf stimulées électriquement pour fournir de la viande plus tendre, le monde des abattoirs fait froid dans le dos. «Ce sont des usines à mort dans lesquelles il est plus difficile d’entrer que dans une usine d’armement, relève Christophe Labbé, qui enquête dans le secteur depuis plusieurs années. Car, pour tenir les cadences et produire de la viande en quantité et à bas prix, il faut mettre en place des systèmes que les consommateurs ne toléreraient pas de voir.» Et le journaliste de rappeler que le scandale des lasagnes a montré que, dans la filière de la viande, tout est récupéré et recyclé. «Et les déchets se retrouvent dans les plats les plus industriels. Ceux que les consommateurs les moins fortunés achètent.» Pour trembler encore un peu plus, pensons à ces chers chercheurs néerlandais qui se félicitent d’avoir réussi à créer de la viande in vitro. Vous reprendrez bien un peu de jambon?
L’huile de palme
Le principal ingré-dient de la malbouffe, souligne l’ouvrage. Matière grasse la moins chère, et donc la plus vendue dans le monde, elle se retrouve partout. Chips, pizzas, barres chocolatées, etc., peu d’aliments industriels y échappent. «Pourtant, l’effet délétère sur la santé de l’huile de palme hydrogénée est clairement établi», souligne Christophe Labbé. Le journaliste appelle donc à une prise de conscience des consommateurs. «Il faut lire les étiquettes et se tourner vers les produits les moins transformés possibles. Plus un aliment est travaillé, plus il perd en nutriments et en traçabilité.» Car, comme le rappelle l’auteur, l’industrie agroalimentaire n’a qu’un but: gagner de l’argent. «L’agrobusiness a une peur terrible de la transparence. C’est pour cela qu’il investit énormément d’argent pour faire la publicité de ses produits. Cela lui permet de tirer un rideau sur la réalité et de raconter une histoire pour enfants aux consommateurs.» Dans les faits, 80% de ce que les consommateurs européens avalent continuent à être de la nourriture industrielle.
Pesticides et pollution
«Il faut cultiver notre jardin», conclut le Candide de Voltaire. De nos jours, il faut bien y réfléchir, affirme le bouquin. Les bobos berlinois qui se targuent d’avoir un potager sur leur balcon ou leur toit ont du souci à se faire. Des scientifiques de la capitale allemande ont en effet analysé la production de ces petits coins de paradis. Plomb, cadmium, cuivre et chrome, les légumes sont fortement contaminés aux métaux lourds à cause du trafic routier. Et, en ce qui concerne les champs, l’Europe a décidé de faire la chasse aux pesticides. Eh oui, mauvais pour la santé et l’environnement. Mais tellement efficaces. Alors, en même temps que de nombreux produits sont interdits, tout un tas de dérogations sont accordées pour utiliser ces substances. Le livre ne se prive pas d’ironiser en lançant: les pesticides, c’est l’avenir. Pas pour les abeilles en tout cas, qui périssent en partie à cause de cela.
Les OGM
Personne n’en veut.Le dernier sondage auprès des Suisses montre que deux tiers de consommateurs helvétiques y sont opposés. Nos voisins ne dérogent pas à la règle. «Malgré cela, ils sont imposés dans notre assiette, lance Christophe Labbé. De quel droit l’industrie se permet-elle cela? De quel droit le lobby de l’agrobusiness se démène-t-il pour que nous avalions quelque chose que nous ne voulons pas manger?» La coprésidente des Verts Adèle Thorens rappelait récemment dans la Tribune de Genève que, si un moratoire interdisait en Suisse la culture de plantes génétiquement modifiées vouées à la commercialisation, cela ne préserve pas le consommateur helvétique d’ingérer des OGM. Rien n’empêche la commercialisation chez nous de tels produits importés.
L’obésité
Quinze millions de tonnes. C’est le poids de la malbouffe. Autrement dit, le surpoids que se trimballe l’humanité dans son entier. «L’épidémie d’obésité est clairement liée à la malbouffe, remarque Christophe Labbé. Et elle n’est pas près de s’arrêter.» Preuve en est toutes les astuces développées pour nous gaver. Portions de plus en plus grandes, mode du snacking (soit le prêt-à-manger disponible dans tous les rayons de supermarchés et permettant de grignoter à longueur de journée) et maintenant invention aux Etats-Unis de l’après-dîner. Un quatrième repas à prendre après 22 heures et de préférence dans un fast-food… Dans cet océan de graisse et de déprime, tout espoir n’est pas perdu. Pour reprendre le contrôle de son assiette, Christophe Labbé préconise une recette simple. Mettre les plats cuisinés au rancart et passer plus de temps dans sa cuisine. C’est bon pour la santé et c’est, paraît-il, un très bon moyen pour déstresser.
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